Au pays des nuages

D'Amérique Centrale, nous gagnons directement Quito par la voie du ciel. Mais celle-ci est parfois impénétrable, car nos vélos restent bloqués quatre jours à Panama. Il nous faut ensuite batailler 48 heures avec la douane équatorienne et sa bureaucratie tout droit sortie de Brazil *, pour les libérer de cette paperasserie qui les retient prisonniers. Hébergés comme des rois par la formidable famille Taillefer, nous profitons de ce repos forcé pour aller nous dégourdir les jambes jusqu'au sommet du Cotopaxi, 5897 mètres. De ce fabuleux promontoire, nous voici au-dessus de ces nuages qui pendant tout notre séjour nous masqueront les volcans majestueux. Bénédiction, mais aussi Epée de Damoclès de l'Equateur qui vit sous la menace permanente de leur colère : hier le Sangay, aujourd'hui le Tungurahua, demain peut-être le Cotopaxi, dont l'éruption centennale prochaine pourrait recouvrir Quito de cendre et de lave...

Après avoir goûté le vertige des hautes altitudes, nous plongeons vers l'Oriente sur une piste infernale, entre gorges escarpées et jungle mystérieuse. Pendant trois jours, nous approchons l'inaccessible Amazonie : rios brunâtres et pirogues silencieuses parmi les cris d'oiseaux et d'animaux invisibles, campement rustique dans une forêt primaire, dense, sous une pluie diluvienne. Rencontre avec les indiens Shuars, autour du foyer familial, partage d'un repas ou de la chicha, boisson fermentée à base de yucca (à consommer avec modération), découverte d'un mode de vie où la forêt nourrit, soigne, abrite.

De retour sur la route, la Panaméricaine ne nous ménage pas : nous n'avons jamais autant grimpé depuis le début du voyage. Montées raides et interminables, cols à 3500 mètres, le souffle se fait plus court sur ces crêtes que l'on chevauche au-dessus de mers de nuages inondant les vallées jusqu'à l'Océan. A ces altitudes, le soleil ne chauffe pas, il brûle, d'où la devinette bien connue : " Qu'est-ce qui est rouge, qui monte et qui descend ? " Un cyclo en Equateur!

Sur ces hautes terres hostiles, semblant abandonnées des hommes, la vie s'accroche quand même au flanc des montagnes. Les Indiens, à la peau tannée, cheveux longs, costumes sombres et chapeaux noirs luttent quotidiennement pour un peu de culture et de bétail. Pour nous, c'est le retour des bivouacs à la fraîche, des polaires et des bonnets, des ponchos et des sacs à pied sous les averses : en bref, c'est le retour du roots !!!

le 3 avril 2002

* Film de Terry Gilliam. Site non officiel : Brazil

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