Ces messieurs désirent un désert ?

Le 24 novembre nous sortons des Etats Unis et entrons au Mexique comme dans un moulin. Qu'on se le dise, malgré les rumeurs, la frontière n'est pas du tout "undercontrol". Nous devons faire nous-même les démarches pour nous soumettre au racket légal de 20 $ US.

"Welcome to Tijuana, Sexo y Marijuana" comme dit la chanson. On n'a pas du arriver au bon endroit au bon moment. Pour nous, ça a plutôt été bidonvilles, routes défoncées, circulation dense et asphyxiante. Un oeil dans le rétro, l'autre braqué sur les trous et bosses de la chaussée, nous finissons par nous perdre et n'avons pas d'autre solution que d'emprunter gratuitement l'autoroute payante interdite aux cyclistes ! Nous finissons cette folle journée sous la pluie, campant dans un trou à rats au milieu des détritus. Ce n'est pas le premier plan trash du voyage, ce sera le dernier en Basse Californie.

Très vite, nous quittons les zones urbaines. L'unique route de la péninsule, étroite, parfois vertigineuse, mais peu fréquentée, nous conduit dans le désert. Nous roulons une semaine durant au milieu de cet univers minéral fabuleux : amas de granit blanc, plateaux de rocher rouge, immensités de sable ... Et surtout, une multitude de cactus de toutes sortes et de toutes tailles, qui prennent souvent possession du paysage jusqu'à l'horizon. On a testé pour vous : qui s'y frotte s'y pique ! Le derrière de Xav et les pneus de vélo s'en souviennent encore...

Que de bivouacs de rêve autour du feu, à chanter sous les étoiles, après des couchers de soleil d'anthologie. Et quelles nuits de silence sous la lune immense, sauf quand un coyote teigneux vient nous réveiller en hurlant à deux mètres de la tente !

Comme tout désert qui se respecte, nous y avons croisé des cadavres de vaches en décomposition, boulottés par des vautours voraces, et nous y avons connu la soif au point de devoir mendier de l'eau au bord de la route.

Dans ces conditions, on ne peut pas se permettre de faire les difficiles sur la qualité du breuvage : le premier bidon venu ou robinet crachant un liquide suspect fera l'affaire. Autant dire que la priorité n'est pas à la toilette; hors de question de gâcher de l'eau pour se laver. Il en découle (surtout sous les aisselles) une hygiène un peu limite, quand le soleil nous a fait suer toute la journée. Nos mains finissent par être tellement sales qu'on dirait des pieds; elles sont même plus noires que celles des garagistes locaux !

Mais cela n'empêche pas les Mexicains de nous sourire et les chiens de nous courir après. Il faut alors donner de la voix et, pour les plus hargneux, du bâton.

La Baja California est trop américanisée pour être authentique. Prenant le bateau à La Paz, nous savons que le vrai Mexique nous attend. Enfin, c'est plutôt nous qui avons attendu le ferry : quatre heures de retard, des employés inefficaces au possible. Il va falloir s'y faire, la patience est la vertu première du voyageur au sud du Rio Grande !

La Paz, le 18 décembre 2001

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